Il y a dans la chambre de la deuxième maison un parfum que j'aime à la première respiration et que j'aime moins à la deuxième.
Allongée sur le lit, je lis ce deuxième livre que je lis grâce à vous, en respirant le parfum d'abord un peu talqué un peu doux, avant que m'enivre l'odeur vieillotte d'un parfum démodé de grand-mère.
Vers trois heures du matin une nuit je rallume je suis presque à la fin
Je termine le livre vers quatre heures et je ne retiens plus rien
Et surtout pas la larme qui arrive à la dernière page
Je referme la couverture
Il y a une mouche qui m'agace et le silence immense
L'écho de ces dernières pages magnifiques me tourmente
Sous l'olivier de la première maison
Je lis le précédent livre que je lis malgré vous
Mes pensées s'éparpillent dans l'argenté des feuilles
Des petites feuilles allongées
Je reçois des éclaboussures de joie et de jeux
Ce sont des vacances paisibles et gaies
Des vacances aux longues promenades sur les pavés et dans les vallons aux cyprès
L'ennui est à son apogée
Le plaisir de l'ennui
La crainte de l'ennui
Le repos de l'ennui
L'inspiration de l'ennui
Le doute de l'ennui
Evidemment je ne suis pas satisfaite des souvenirs que j'ai commencés à écrire
Je ne sais pas si cela tient à l'écriture ou au souvenir lui-même
Et puis à force de lire des choses des autres trop intenses
A force de lire ces vacances qui partout s'égrènent sur les blogs se déversent
A force de trop de mots
Je ne sais plus si j'ai envie
De quoi même j'ai envie
Je me sens fade
Je remarque que les cigales chantent longtemps
Emplissent le silence
L'assourdissent
Et s'interrompent toutes en même temps
Au moment où je commence à lire le troisième livre que je lis en dépit de vous
J'ai réclamé le soleil mais le soleil n'est pas pour moi
Je flirte avec l'ombre
Je reste dans l'ombre
Je suis une fille de l'ombre
C'est comme ça
Le dixième jour j'ai sauté dans la mousse
Dans le bouillon blanc le bouillon frémissant
La tendresse des vagues leur écume pétillante
Et
Couverte de gouttelettes
Je me suis allongée contre lui dans la cabane de bois flotté que pour moi ils avaient construite sur la plage
La belle plage sauvage
Et là
J'ai poursuivi la lecture du quatrième roman que j'ai choisi sans vous
Le soir
Après de nombreux virages
Ils se glissent dans l'eau presque brûlante de la source chaude en cascade et en plateaux
Et puis il vient me dire
Avec son petit corps parfait son petit corps de rêve
Pourquoi tu restes toute seule on dirait que tu n'es pas contente
Je lève les sourcils
Oh ?
Mais si mon amour je suis contente
Je vais venir
Et il repart et il replonge
Je suis contente tu sais seulement je me perds parfois dans des méandres infinis
Il faut m'en extirper
Je vais m'en extirper
D'ailleurs je m'en extirpe
Momentanément
Et
Je les rejoins je m'y glisse aussi
Dans l'eau presque brûlante
Et je vois leurs visages se réjouir et me réjouir en ricochet
C'est l'été
En rentrant aujourd'hui
J'ai trouvé sur ma table
son tablier qu'elle a recousu et rapiécé pour moi
C'est un si beau cadeau
Si beau
C'est une toute petite larme
J'ai les ongles gariguette
Je passe juste un samedi à Paris
Avant de repartir demain m'allonger quelques jours dans l'herbe verte
Le long du ruisseau
Les soirées seront plus fraîches elles étaient si douces
Les enfants plus nombreux ils n'étaient que cinq et puis deux
Les soirées joyeuses les soirées joyeuses
Et pour mes nuits
Oui
J'emporte ce dernier livre qu'il me reste à lire loin de vous