29/06/2015

*Vernisser*



























D'abord j'ai tiré les rideaux, la lumière s'est mise à la sieste j'ai aligné les orchidées.
Les unes derrière les autres dans la baignoire le vert sur le blanc douche tropicale dans la pénombre j'ai finalement enjambé. Les pieds sous les feuilles les jambes nues la jupe relevée je nous ai aspergées d'eau glacée. L'odeur de terre s'est élevée.
Après, moi et mon vélo non mon vélo et moi, rafraîchis, on a pédalé jusque chez You You parce que c'est bientôt la plage et j'avais envie de rose pétale j'avais envie d'un truc de midinette en tongs.
Bonjour YouYou (maintenant YouYou elle m'embrasse) et là, les pieds dans la mousse, incroyable, ma voisine de vernis s'appelle Dolorès.
Do. Lo. Rès. (Vingt ans à peine même sans chaussette moi qui déjà déclinais je m'effondre. Inspiration profonde.)
Les jambes de Dolorès sont parfaitement dorées je me mets à penser au roman photo de l'été. Dolorès, quand même, ce n'est pas rien je crois que je vais commencer par écrire la fin. Je me demande, mais. Mais oui, qui de lui ou d'elle versera les larmes, hein Dolorès, les larmes, c'est lui ou toi à la fin de l'histoire ?
Hautaine, Dolorès ne me regarde même pas et moi, distraite, j'en rate ma couleur c'est presque une horreur. A la trappe mon rêve de pétales. Tant pis. Je ne sortirai qu'à la nuit tombée. Promettez-moi de ne pas regarder mes pieds.

(Les frais d'expédition sont offerts avec le code PAPILLON jusqu'à vendredi soir. Après je mets mes tongs. Pas longtemps. Promis.)

25/06/2015

*Galeriser*


























Et donc.
Alors que je piétinais tranquillement vous savez quoi, j'avançais dans la douceur de ce samedi après-midi, je déambulais je vagabondais je flânais je rêvassais, presque je me délectais.

Rue du pont Louis Philippe, la galerie.
Hervé Guibert. Une photo d'Hervé Guibert. Une jolie photo d'Hervé Guibert dans la vitrine. Toujours. Toujours quand je passe une photo d'Hervé Guibert, là. Et une pensée pour Mirabelle.
Je continue. Deuxième vitrine de la galerie. Elle est presque vide. Comme la première.
Trois choses. A droite, posé à plat, un livre sur l'histoire de cette galerie. Au centre, une grande photo, à la verticale, une belle photo en noir et blanc. A gauche, une feuille blanche posée à plat, avec écrit dessus, "Bail à céder" et deux numéros de téléphone.
Je ne comprends pas tout de suite ce qui me plaît. J'hésite à faire une photo mais je sens que ce qui me touche dans la vitrine n'apparaitra pas sur la photo. J'aime le vide qui l'occupe. La poussière. Les peintures vieillies. Le léger abandon. Le début d'abandon.
Je laisse un peu traîner mes yeux. J'accroche encore un peu mon regard à la vitrine à la photo à la poussière au bail à céder alors que je reprends ma marche sur le trottoir. Et puis je pars.
Alors.
Un homme court derrière moi et me rattrape.
Il dit, c'est moi qui ai fait cette photo, seriez-vous d'accord pour que je fasse votre portrait ?
Silence. Une seconde. Sourire. Vous me mentez, je lui dis. Et je pense, je ne suis pas née de la dernière pluie vous le voyez bien.
Mais non, insiste-t-il. C'est bien moi qui ai fait cette photo et j'expose à l'intérieur.
Ha. Bon. Eh bien, montrez-moi votre exposition.
Et nous entrons.
J'avoue que je regarde à peine les photos accrochées sur tous les murs. Mon esprit est préoccupé par les petites phrases. Seriez-vous d'accord ? Un portrait de vous.
Il dit, j'ai une autre exposition aussi. Le vernissage est la semaine prochaine.
Alors je viendrai, je réponds.
Echange formel des petites cartes, je repars.

Au bout de la rue, la Seine était éclairée par le soleil presque couchant.
J'ai pris à gauche, j'ai fait danser ma jupe sur mes jambes nues, puis j'ai pris un vélo et j'ai zigzagué dans les petites rues.


20/06/2015

*Piétiner*


















Alors, en descendant, je me suis arrêtée chez le cordonnier.
Je lui dis, rendez-moi mes chaussures, j'ai besoin de piétiner quelque chose.
Voilà, me dit-il, comment ça va ?
Je hausse les épaules je fronce le nez.
Qu'est-ce que je peux faire, vous prendre dans mes bras ?
Je lui souris, combien je vous dois ?
20 euros.
Je pose le billet sur le comptoir devant lui.
Je ne vous ai pas dit, ajoute-t-il, c'est 20 euros plus la bise.
Alors je me penche par dessus le comptoir et.
Une à droite, une à gauche, plus longue, la deuxième.
Humm... J'vous adore, vous, ajoute-t-il.

Ce cordonnier est unique.

*

J'ai mes chaussures, je vais pouvoir piétiner mon chagrin.
Il est beau, ce mot, chagrin.
Ce n'est pas grand-chose, un chagrin.
C'est une toute petite chose invisible et presque douce.
Quelque chose qui parcourt en silence.
Une tendre avalanche.

*

Merci pour vos mots. Beaucoup.
Si on faisait n'importe quoi ce soir ?


17/06/2015

*S'enfleurir*




























Je guette le pois de senteur, il est sur le point d'éclore
Le volubilis chaque jour se déploie
La clématite fait sa discrète cette année, juste quelques fleurs d'un côté
Le petit rosier, malade, peine. Je l'aide.
Le jasmin est sur la fin, il s'en est donné à coeur joie
Le laurier blanc est ravissant
L'arbre aux papillons est très en retard. Je dirais même qu'il stagne.
La pervenche est envahie par une colonie de fourmi
Les bambous se revigorent
Le houx blond enlace le saule assoiffé
Le petit acacia se balance, c'est à son pied que les pois foisonnent
La digitale m'a surprise, quel honneur
La lavande se couche, toujours
Les capucines sont en feuilles
Le trèfle est violet
La belle de nuit se prépare à veiller durant les longues soirées d'été
Le lierre est vieux et silencieux

J'ai coupé les fleurs fanées
Je les ai photographiées
Elles sont belles oui elles sont belles aussi

*

Il est entré dans la pièce où je l'attendais et il a dit, vous ne trouvez pas que c'est trop chargé maintenant. J'ai à peine haussé les épaules et puis j'ai dit, oui, mais il est joli ce petit sofa. Je vous le donne ! s'est-il exclamé. Nous avons souri. Je ne sais pas où je pourrais le mettre, mais vous savez que j'en rêve d'un petit sofa comme celui-là. J'en rêve dans cet endroit que je n'aurais jamais et qui s'ouvrirait sur un jardin. Je pourrais vous inviter et nous pourrions continuer à nous raconter encore.

*

Tant pis.

*

Je sens que ce blog s'épuise. Nourrissez-moi !

*

Je sens que je vous attends. Ecrivez-moi !


15/06/2015

*S'emballer*


























Il suffit d'évoquer un baiser, et les coeurs s'emballent...

Un baiser, une nouvelle carte.



08/06/2015

*Nuancer*



















Mardi, il y a le Desplechin à la Pagode et en ressortant l'envie de lui écrire. Toujours. Toujours les mêmes envies. Cher Arnaud, si vous saviez...
Mercredi, la culpabilité le doute et l'ennui qui n'en finissent pas de me donner la nausée. Voilà qu'il me prend l'idée de vagabonder, je n'avais pas envisagé que cela allait me confondre. Comprenne qui pourra.
Jeudi, je dis, désolée vous allez être déçu, mais non, ce n'est pas mon prénom. A part ça, je sens que je fane.
Vendredi, les arrosoirs, la chaleur, le dîner en ville, le bref orage.
Samedi, ma robe à l'envers à l'ombre des platanes, des bricoles dans mon sac, des couloirs infinis, le soleil et ses deux jolies filles qui me rassurent et me sourient. Une glace dans le soir.
Dimanche, les premières cerises pour le dessert et je découvre la butte Bergeyre en jupe verte. Je voudrais m'asseoir au soleil et me prêter aux confidences.

*

Il faut des nuances musculaires, dit-elle de sa voix perchée en insistant sur "faut" puis sur "nu" puis sur "laires" et en accompagnant le chemin de sa phrase avec sa main qui ondule. Sinon, c'est comme si vous racontiez une histoire sur le même ton, c'est monotone.
Il faut des nuances musculaires. Il faut des nuances. Oui. Nuançons.
Laissez-moi nuancer ma monotonie.

*

Laisse-moi être silencieuse aussi.


01/06/2015

*Cocher*



J'ai dit secouez-moi et elle m'a demandé de dessiner des framboises.
Après j'ai choisi l'évasion.
Ce n'est pas vraiment par hasard que j'ai poussé la porte du numéro 20. J'ai cédé à la facilité pour regagner en légèreté, je n'ai donc pas résisté aux chaussures. Elles sont parfaites elles sont starlettes elles sont invite-moi à prendre un verre elles sont invite-moi à rire avec toi.
L'eau du canal était vert printemps je l'ai enjambé en passant sous la fraîcheur du marronnier. Les fleurs étaient sur leur fin, j'ai pensé aux mains.
Sur la placette aux brocantes j'ai pris une citronnade à la paille en déambulant entre les vieux tableaux les verres anciens les pampilles les lampes sur pieds les meubles bancals et le chien au repos.
J'ai enfourché un vélo.
(Le garçon, dans le magasin, il a dit, avec ces chaussures-là, il ne faut pas faire de vélo, il ne faut pas conduire, il ne faut pas marcher dans les graviers ni sur les bouches d'égout ni. Qu'à cela ne tienne, je les tiendrai à la main et je courrai en ballerines. Je m'arrêterai sous un porche pour les enfiler et j'enverrai les autres au panier.)
J'ai pédalé, l'air frais se glissait dans mes manches des larmes s'enfuyaient sur mes tempes.

*

A la maison Karrenbauer, rue de Charonne, il est écrit "A toute heure, on vous sert le bonheur."
Il était 11 heures j'ai pris une brioche au sucre et un café allongé j'ai voulu tester. Les tables rondes étaient alignées sur le trottoir je me suis assise à la cinquième en partant de la gauche. Déjà c'était agréable. A 11h30 j'ai pris la barre et au premier plié je souriais. J'ai senti que ça commençait à décliner au moment des grands battements. Je me suis dit que je prendrai un autre café en sortant.

*

Un jour elle m'a dit, il y a beaucoup de chaussures dans ton écriture.
Un jour il m'a dit, il y a beaucoup de "pas" dans votre écriture.
Aujourd'hui je me dis que finalement tout ça est assez cohérent.

*
- Tu sors de la pénombre quand même ? me demande-t-il.
- Je suis en pleine clarté, je lui réponds.

*

J'ai coché les cases j'ai choisi les dates l'année prochaine j'irai au spectacle.
"Cocher, ça veut dire faire une croix dans un petit carré", explique la petite fille dans le TGV.