31/12/2016

*Enumérer*






































Il y a celui qui enlacera l'inattendue, cela lui va si bien
Il y a celle qui ramassera les pétales gelés de la dernière rose du jardin
Il y a celui qui sortira deux verres à pieds du meuble ciré
Il y a celle qui laissera ses cheveux défaits sur ses épaules nues
Il y a celui qui portera dans ses bras un bébé endormi
Il y a celle qui suivra en courant sur les quais son grand fou d'amour
Il y a celui qui laissera couler une larme
Il y a celle qui enfilera ses chaussures dorées 
Il y a celui qui éteindra la lumière
Il y a celle qui pensera à celui qui est loin
Il y a celui qui chantera sous la lune
Il y a celle qui aura caché une surprise sous les assiettes
Il y a celui qui aura froid dans son duvet
Il y a celle qui restera au chaud
Il y a celui qui ne dira rien
Il y a celle qui lui sourira
Il y a celui qui mangera les miettes sur la nappe
Il y a celle qui contemplera l'horizon depuis sa cabane en bois
Il y a celui qui passera la soirée dans un livre
Il y a celle qui sera ivre
Il y a celui qui sera gai
Il y a celle qui sera triste
Il y a celui qui dansera un dernier tango à Paris
Il y a celle qui dansera avec lui
Il y a celui qui fera un pont au-dessus de la mer noire pour nous offrir un baiser dans la nuit
Il y a

Je pourrai passer ce dernier jour à énumérer toutes les "celle" et les "celui", mais je vais mettre sous ma robe ce petit jupon de dentelle noire qui est le meilleur remède à la suie et entraîner mes papillons sous les lumières du chapiteau, juste en bordure de la nuit.


22/12/2016

*Egrainer*



Je reçois des mots doux
De vous
Je ne vous remercie pas assez
Mais
Sachez que je m'en fais des colliers
Des colliers de mots doux que j'égraine les jours où d'autres mots me blessent, les jours où d'autres mots me manquent.

On n'est jamais vraiment tirés d'affaires.

Je vous embrasse.
N'oubliez pas de danser dans la lumière.

*

Les commandes passées à partir d'aujourd'hui seront expédiées le 28 décembre.


15/12/2016

*Courir*




































Les bébés ne voient pas les coups venir
Les bébés ne courbent pas la nuque pour échapper aux éclats
Les bébés ne protègent pas leur visage de leurs mains
Les bébés ne courent pas pour fuir
Les bébés ne se cachent pas dans les caves

Les bébés font confiance à ceux qui les entourent.

Comment font les bébés quand tout s'écroule ?
Ils meurent.

Je voudrais faire de mes bras un refuge et courir vite le dos courbé dans cette ville en lambeaux.
Je voudrais arracher un bébé à la violence des gravas.

*

J'ai suivi Estelle dans sa belle initiative et offert quatre dessins. Là 

12/12/2016

*Gadiner*




C'était le soir du plissé soleil, du petit coeur blanc épinglé dans le mohair, des petits pas en talons devant les miroirs du cinéma pour faire danser le bas de la jupe et chanter les semelles sur le carrelage du passage.
C'est un grand petit plaisir le bas de la jupe qui danse qui s'en balance qui caresse les jambes...
Alors, les petits pas cendrillons dans les escaliers, les petits pas cendrillons sur les pavés, tac tac tac, et on pousse la porte vitrée et si la place sous les roses est déjà prise, on la guette depuis l'autre bout du comptoir en laissant sa jupe s'étaler sur le grand tabouret.
Tout un programme de rien qui me met en sourire.

Après la danse des cocktails sur le zinc cuivré, tu fais le chemin en sens inverse et tu prends la descente en vélo, les carrosses sont tous crevés, tu pédales en talons et tu laisses le plissé soleil se prendre dans les rayons et ton sac s'enrouler autour du guidon. Patatras. Tu t'étales sur l'asphalte tu déchires tes bas tu t'écorches au bitume et tu t'excuses auprès du monsieur qui gentiment te relève.
Tu es la fille qui chute et qui s'en excuse.
Tu es la fille qui ne rend pas les coups.
Tu es la fille qui sombre et que les nuits relèvent.
Mais qu'est-ce que ça peut faire ?

Le monsieur s'inquiète, vous êtes sûre que ça va, ça va, vous êtes sûre, ça va aller ?
Oui pardon oui pardon oui ça va excusez-moi pardon je suis désolée pardon merci excusez-moi je vais réessayer.
Et je repars en zigzag les genoux en sang le sac en bandoulière les joues roses et le plissé lunaire.

J'ai maintenant des croûtes de fillette qui ornent mes genoux.
Je me sens moins vieille.

*

Et n''oubliez pas, c'est ce dimanche la petite vente de Noël chez Maison Bastille ! (Promis, j'irai à pieds...)

06/12/2016

*Recueillir*




J'ai mis ma main comme une petite coupe
Un coquillage
J'y ai recueilli une larme
Là où je gardais son secret

Nous mêlons nos doutes
Nous racontons à peine nos tristesses nos histoires
Si belles, que les nuages à l'aube en rosissent

Les garçons pleurent parfois
Les garçons rient aussi quand les filles dansent les soirs où elles déraisonnent en buvant sous les roses dans les boutons desquelles elles cachent les secrets confiés comme de petits trésors.
Les filles rient comme elles pleurent et se prennent en photo dans les miroirs des cinémas. Là où s'inventent des vies et où les talons claquent sur les trottoirs glacés des nuits d'hiver.

*

J'ai éparpillé des graines sur le balcon, pour la danse des mésanges, le petit spectacle de mes matins.

*

Notez que je serai le dimanche 18 décembre à Maison Bastille - 34 bis, rue Amelot, dans le 11e - pour une petite vente de Noël à quatre. 



29/11/2016

*Exposer*























J'expose pour la première fois quelques dessins originaux, et c'est à la très jolie Cachotterie de Frédéric Clément.

(Rosissement de joues.)

Vous pourrez y voir aussi les oeuvres de :
Michel Boucher
Pascale Bougeault
Frédéric Clément
Philippe Davaine
Caroline Fontaine
Lucile Jaeghers
Cécile Louvet
Nathalie Magrez
Philippe Mignon
Vincent Tessier
Boris Tissot

Le vernissage a lieu ce samedi 3 décembre de 15 à 21 heures, avec un cocktail à 18 heures.
Vous pouvez ensuite visiter l'exposition tous les samedis et dimanches de décembre !

Pour venir, toutes les explications sont ici :
http://www.lacachotterie.com/venir

*

Et dès que j'ai un peu de temps, je vous écris....




23/11/2016

*Rappeler*


































N'oubliez pas que je serai à l'Atelier du Petit Parc tout le week-end, et il y aura du beau monde !

20/11/2016

*Horizonner*



































Quand je me suis réveillée la tempête était passée avait chahuté les feuilles avait frappé de gouttes désordonnées les volets fermés avait renversé le rosier.
J'ai eu envie de voir la mer.
J'ai eu envie de sable mouillé j'ai eu envie d'embruns, du vacarme des vagues et de la folie du vent, j'ai eu envie d'horizon nuageux de dégradé de gris, de cheveux emmêlés et de courses sur la jetée.
J'ai eu envie d'un abri douillet.

J'ai pris la passerelle et j'ai pêché les mouettes parisiennes au-dessus de la Seine. Elles tourbillonnaient dans le ciel gris elles m'annonçaient la pluie.
Je les ai regardées se poursuivre.
Je me suis demandée si la mer leur manquait parfois, si elles en ressentaient de la nostalgie.

Paris, lâche-nous un peu qu'on s'horizonne...

*

Mes prochaines évasions sont répertoriées dans la colonne de droite. Nantes. Cachan. Paris. Saint-Germain-en-Laye (mais sans moi).


17/11/2016

*Se déplacer*




Muriel et Isabelle m'ont invitée à venir m'installer pour un week-end dans leur jolie boutique.
Je serai donc à Nantes à l'Atelier du Petit Parc avec cartes et calendriers les 25, 26 et 27 novembre prochain ! 
Vous passerez me voir ? 



10/11/2016

*Plisser*

























Je lui ai dit
Mon amour
Laisse la fenêtre ouverte, laisse-là s'envoler, les coccinelles ne sont pas des escargots, elles sont comme les papillons, elles ne veulent pas s'embarrasser d'une maison.

*

Tu vois cet instant minuscule coincé entre deux autres instants minuscules, tu vois comme il est immense ?
Et je fais un geste avec mes deux mains au-dessus de mon verre.
C'est ça que j'aime.
Les instants immenses.
Immenses de l'insaisissable (qui les remplit).


*

Il faudra que je vous montre mon plissé soleil. Il est parfait dans la brume.

*

Parfois les mots s'échangent.
J'ai emprunté ses étoiles mortes à un homme que mes lampadaires penchés ont inspiré.
Nous avons souri.
Ce serait l'histoire des mots qui circulent, ce serait l'histoire des similitudes, des pensées qui se croisent dans le ciel.

*

J'écris décousu car je prépare trop de choses en ce moment pour me concentrer autrement qu'en pointillés.
Cela me donne envie de poursuivre l'écriture d'un texte en désordre entamée à l'automne dernier.
Alors je ressors mon cahier, je relis les premières pages, je m'installe dans des bars pour tenter de poursuivre.
Mardi j'ai terminé ma page ainsi : "C'est insupportable d'écrire coincée entre deux femmes. Je pars."

*

J'ai mis à jour la liste des points de vente.
J'ai mis presque à jour les créations pour commande particulière.


03/11/2016

*Tourner*
























C'est parce que dans la tête tournent les petites phrases que l'on regrette d'avoir dites et tournent dans la tête les petites phrases que l'on regrette de ne pas avoir dites et tournent dans la tête les petites phrases que l'on regrette d'avoir entendues et tournent dans la tête les petites phrases que l'on regrette de ne pas avoir entendues et tournent dans la tête et tournent et serrent et renversent et tournent et serrent et basculent et tournent et serrent et poussent et chavirent, les petites phrases.

Une lettre minuscule perdue au fond de ma boîte interrompt le flux des petites phrases. Elles sont parfaites, ces minuscules lettres surprises et perdues. Dedans j'y trouve une chaussure au haut talon élégant, une plume collée dans le ciel et cette citation : "Fugitive parce que reine." Proust.
C'est tout. C'est tout ce que j'y trouve dans cette minuscule lettre et c'est un baume.

Lire Proust, peut-être. Lire Proust, enfin ?

Dans la nuit j'aperçois Venise depuis le Pont Marie et je rentre en chantant sur mon vélo volant.
C'est mon remède éphémère aux petites phrases manèges, aux petites phrases pointues aux petites phrases velues aux petites maladresses maladroites malhabiles maladies.

Chuuuttt.....
Laissez-moi, petites phrases, écouter l'automne.

*

N'oubliez pas de fouiller par ici, j'ai ajouté des Merci, des Boîtes aux lettres, la table des voeux, et ce n'est pas encore fini !



20/10/2016

*Epousseter*





































Dans mon rêve je porte des chaussures à talons hauts mais il m'en manque une.
Je me demande ce que le divan en dirait.
Dans mon rêve je marche dans une rue pavée sur la pointe des orteils de mon pied nu.
Il y a un lac derrière.
Il me manque une chaussure mais je ne suis pas inquiète. Je marche sur les pavés talon aiguille et pointe nue.
C'est peut-être parce que mon cordonnier m'a dit que je pouvais passer le voir, même sans chaussures ?
Ou bien c'est Cendrillon qui me poursuit encore.
Peu importe. C'est l'image et sa sensation qui me restent.

*

Je pense souvent, quand j'avance en presque sautillant sur les trottoirs luisants, à Nadia Vadori-Gauthier qui danse une minute par jour dans un endroit différent de la ville et d'ailleurs.
Je rêve de danser dans la ville depuis Mauvais sang. J'ai beaucoup vieilli pourtant.
Alors quand la petite musique dans mes oreilles m'entraine un peu, même avec mon caddie à étoiles, j'esquisse un saut de chat entre les matelas à l'abandon et les fleurs en plastique des vitrines. Je tourne sur le ciel éparpillé en mille morceaux sur le boulevard, je me suspens au cri métallique du dernier métro aérien, je tangue dans les impasses.
Peut-être que je rêve. Je rêve que je danse.

*

J'ai mis une robe d'un autre temps et caché un peu de dentelle. La coupe est pleine, c'est enivrant. Je vis ma vie en noir et blanc.

*

Je sais bien ce qu'ils diront.
Mais j'époussette la réalité.
Pfuitt. Comme ça !


13/10/2016

*Tituber*




Tituber parce que c'est joli, je titube tu titubes, c'est joli, tituber d'ivresse, tituber de joie, tituber d'amour, tituber de tristesse, tituber de danser follement, tituber de doutes, tituber d'errance.

*

Je titube
Je ramasse des pommettes
Je fais un petit dessin le matin
Je m'offre à la dentelle
Je coupe des légumes en rondelles
J'embrasse leur nuque penchée j'enlace leur corps de rêve
Je ne marche plus je sautille
Je dodeline
J'écoute Baudelaire s'élever au-dessus de nos pintes ambrées
C'est beau. C'est si beau. Ça effleure.

*

J'ai retrouvé la sirène. Ses cheveux délavés couvrent ses épaules rondes de laine.
Elle fait des Sudoku à plat ventre sur le trottoir, le corps gainé dans son duvet kaki clair.
Plus de tente ni de parapluie pas de sourire, elle parle aux courants d'air avec une certaine nonchalance sur l'anthracite.

*

Pourvu qu'elle titube.
Moi aussi je parle aux courants d'air et je souris à la Seine, cela apaise.

Je veux croire qu'il n'est pas vain de tituber et je veux continuer à me tenir en déséquilibre  sur l'imperceptible puisque je ne sais pas faire autre chose.


*

"Je marche à toi, je titube à toi...", écrit Gaston Miron.
Ceux qui ont le temps peuvent l'écouter là, par Babx. 
C'est magnifique.


03/10/2016

*S'effilocher*











































Tu te demandes pourquoi ce petit manteau. Et ces chaussures.
Tout à coup, tu n'assumes plus.
Tu te demandes pourquoi ce chemisier. Tu regrettes. Tu passes ta main trop de fois dans tes cheveux. Tu penses au trait noir sur tes yeux.
Tu te.
Tu te désagrèges en souriant.
C'est l'effilochement.

Tu passes la plupart de tes jours à t'effilocher. Tu tires un à un les petits fils qui à peine déjà te tiennent. Tu les emmêles et tu ne parviens plus à. Tu vois ? Tu ne parviens plus. Tu ne parviens plus nulle part ailleurs que dans le désordre de tes propres fils.
C'est peut-être le regard aussi. Celui que tu reçois. Une affaire de regard peut-être. Il faudrait développer, là.
Il faudrait développer les regards. Ceux qui ne regardent pas. Qui regardent sans voir.
Le regard qui écrase. Le regard qui ignore. Celui qui caresse. L'autre qui s'interroge. Qui s'intéresse.
Le regard qui te fait courber la nuque. Le regard qui méprise. Celui qui admire. Celui qui juge. Le regard absent. Celui qui manque. Et celui qui de façon inattendue te fait te redresser si vivement que tu en vacilles.
Il faudrait développer les regards.

*

Le fou rire à cause d'une chanson qui passe en boucle.
Le soleil sous lequel je m'échappe ce sombre dimanche.
Le cocktail ivoire sous le regard de Marguerite D.
Les petits oeillets qui fanent dans les coupes.
L'autour.
Le rose du crépuscule.
La robe de soirée que l'on ferait s'envoler comme sur cette photo en noir et blanc.
Une allumette que l'on craque et une porte que l'on prend.
Les arbres noirs dans la nuit.
Les bougies.
Et

On pourrait coudre à petits points les instants qui s'enchaînent et ceux qui d'une façon ou d'une autre se figent. On pourrait coudre à petits points blancs. Ce serait joli.

*

Merci beaucoup pour vos commandes.

25/09/2016

*Dévier*




















La dernière fois qu'elle n'a pas dansé elle prenait un café. Des mèches de ses cheveux voletaient dans sa bouche elle avait mis le soleil dans son dos elle sentait ses rides sourire mais cela n'avait plus d'importance.

"Ce n'est pas se résoudre, mais s'éteindre en silence. Il lui faut reconnaître sa défaite, accepter le bruit long de la chute puis le silence creux de son être vidé, être la seule à l'entendre résonner dans le jaune de l'été."*

La dernière fois qu'elle a dansé c'était sur cette chanson-là  et c'était d'une grande gaieté. Ils étaient seulement quatre sur la petite piste, accompagnés par la joie, elle n'était pas vraiment elle ou alors peut-être l'était-elle complètement tu vois.

"A la noce, elle était gaie, cela n'a rien à voir avec le bonheur."*

A boire du rhum, à danser sous la lune, à faire tourner sa jupe, à s'appuyer aux comptoirs, à sombrer dans le noir, à user ses talons sur les trottoirs, on ne tient pas la route. A regarder l'horizon, à emprunter les chemins de traverse, ceux qui sentent la noisette, on ne tient pas la route, non, on dévie.
Tu dévies tu te dis, ces chemins sont dans ta tête, tu dévies mais tu sens combien sont douces les pentes des courbes déviantes.
Juste avant d'ouvrir les yeux.

"Elle n'est plus que l'enveloppe d'elle-même, un corps qui se lève, mange, dort, ronge au sang ses ongles d'ouvrière ; elle réussira bien, à force de se dépeupler, à n'en plus souffrir."*

Les lectures, parfois, hein, les lectures.

Et puis au fond de la petite ruelle, la rose.
On se fabrique des images au fond des impasses, là où s'arrêtent les petits chemins de traverse, là parfois où commencent les caresses.
L'escalier était vert.

"Elle a des audaces."*

La dernière fois que je danserai, j' espère que j'aurai oublié tous mes regrets.

"Elle a beau chercher, elle ne cherche plus, elle vient de trouver. Elle est belle, à genoux."*

*

Ecrire un peu en mêlant aux miennes quatre phrases sorties des quelques pages de ma lecture matinale : Les gens dans l'enveloppe, Isabelle Monnin.


23/09/2016

*Automner*


























Les temps ne sont pas à l'écriture.
Les temps sont à l'automne, aux choses qui dégringolent.

*

Les temps sont aussi aux nouveautés



12/09/2016

*Se balancer*






Il la soulève et elle attrape les deux anneaux qui semblent accrochés très haut dans le ciel noir.
Il la pousse et elle se balance, suspendue par les bras, éclairée dans l'immensité obscure, le visage rayonnant de joie, lumineuse.
Sa robe longue volète derrière elle, puis devant quand le balancement s'inverse.
Les femmes se succèdent et la scène se répète.
L'homme qui soulève. Les bras qui se tendent vers le ciel. Le visage radieux. La robe sublime. Le doux balancement silencieux du long corps gracieux.

Il y a ce moment aussi où une femme parcourt tranquillement le devant de la scène et se penche en offrant ses seins, qu'elle sort à peine de son décolleté, posés dans ses deux mains. Elle répète en silence et en souriant ce mouvement d'une sensualité émouvante.

Ecrire les scènes qui restent en mémoire plusieurs jours après un spectacle pourrait être un exercice. Ces deux-là sont dans ma mémoire depuis une semaine, sorties de mon Pina annuel,  une création de 1986.

*

Un jour quelqu'un m'a dit, je me protège, pour m'expliquer son silence.
Je comprends maintenant.
Certains mots me heurtent sans le vouloir. J'ai besoin d'espace temps pour ne plus entendre un peu.
Ne me demandez pas pourquoi.

*

Je regarde les volubilis s'enlacer chaque matin un peu plus et c'est beaucoup déjà.

*

Une confidence quand même : les calendriers 2017 sont presque prêts !


04/09/2016

*Noircir*





































- Oui mais c'est un peu noir.
- Oui mais c'est beau.
- Oui mais mes lectrices n'attendent pas ça. Mes lectrices veulent les robes légères les chaussures vertes les nuits qui dansent les trottoirs luisants l'horizon qui aspire, la malice. Mes lectrices attendent le papillon au tournant, pas le cafard et sa déchéance annoncée, même avec élégance. Tu comprends? Mes lectrices veulent les mots d'amour inventés la mélancolie fleurie les larmes aux paupières dorées les doux songes en bordure de l'obscurité. Mes lectrices ne veulent pas le noir profond de la plume ni l'abandon dans l'irrémédiable pente, l'inévitable précipice.
- Laisse le papillon te porter vers d'autres rives.
- Où je pourrai m'échouer ?

Ça bascule entre rose et noir. Comme moi.




21/08/2016

*Végétaliser*




Quand on rentre, on bute toujours sur la façon de s'y prendre devant le nombre et la diversité des tâches. J'en passe par l'observation silencieuse et la lente réflexion aboutissant au renoncement.
Je déplace les priorités.
J'ai fait un tas de petites phrases. Un tas de petits dessins. Un tas de petites pensées. Un tas de petits papiers. Je les laisse se reposer.
En attendant, je ramasse les feuilles mortes du laurier, je redresse les volubilis égarés, je nourris le lierre épuisé, je caresse les capucines empuceronnées, j'encourage le frêle rosier.
La journée sera végétale. Ça me plaît de commencer par là.

*

Le refuge se trouve parfois dans la fuite. Rattrapez-moi !

*

Et, comme promis, j'ai éparpillé avant de rentrer les pages du carnet de l'été.



29/07/2016

*Tourner*


































Elle avance debout sur le petit muret qui longe le jardin des Tuileries. Elle tourne sur la pointe des pieds. La nuit est tombée, de l'autre côté la grande roue s'est allumée. Sous l'ombre noire des marronniers, dans les coins les plus sombres du parc, des couples s'enlacent sur les bancs de pierre, des garçons ont mis un peu de musique et fument en cachette.
Les gardiens surveillent et le faisceau des lampes-torches balaie les jambes nues.

*

Les robes qui tournent m'ont toujours allégée des petits poids et autres écorchures.
Donc.
Je passerai le reste de l'été en robe.
Je m'imagine écrivant le soir quelques mots dans un carnet dont j'arracherai chaque page.
Je les posterai une à une. Au jour le jour. A quelques-uns d'entre-vous.

*

Le titre du troisième roman de votre été pourrait être : Une robe de cigale.

*

Une pause en robe jusqu'au 21 août.
Avec quelques signes par ici


23/07/2016

*S'enlycer*































Tu respires le parfum des draps qui sèchent, tu remplis l'arrosoir, tu écoutes le bruit de l'eau qui coule dans la terre, tu aimes éclabousser tes pieds sur le bois chaud de la terrasse. La machine tourne encore, il n'y a plus qu'elle. Et le silence. Tu n'appelles personne, personne ne t'appelle, tu promènes les choses d'une pièce à l'autre, tu marches pieds nus sur le parquet, tu esquisses des petits pas de danse, tu te demandes qui arrosera les plantes. Tu prends une petite glace, tu touches machinalement ton ventre, tu n'arrives pas à travailler, tu devrais pourtant, tu dessines des lys fanés, tu ne sais pas quoi faire avec ce robinet qui fuit, tu relis tes notes et tu souris. Tu regardes les petites photos, tu les ranges. Tu ouvres tes boîtes, tu retrouves des choses oubliées, tu hésites à les photographier. Tu remarques que tes mains ont vieilli encore. Tu reprends une deuxième glace, tu te dis que tu ne mangeras pas ce soir. Tu déambules dans ton esprit, tu abordes toutes les pensées avant de les abandonner. Tu ne te concentres pas, tu ne sais plus réfléchir. Tu mets un vieux Gainsbourg. Tu savoures. Tu savoures l'espace de la solitude soudaine. Tu repousses le moment où tu t'inquiéteras.
Tu t'appelles comment ?
Tu te dis que l'on pourrait aussi écrire les histoires et les vivre ensuite, et non l'inverse.
Tu réfléchis donc à ce que tu vas faire cette semaine, et cette semaine commence ce soir : il fera 26 degrés à 20 heures près de la fontaine, tu arriveras par la porte latérale, le sable du jardin se glissera sous tes orteils, tu sentiras le tissu léger de ta robe sur ta peau nue, tu choisiras une chaise isolée et tu attendras que la nuit tombe pour entamer le chapitre premier.
Le titre du deuxième roman de votre été serait : L'été des lys.


19/07/2016

*S'éteindre*













Dimanche.
Je passe l’après-midi à lire. Je sens que je pourrais pleurer en lisant certains passages et je me demande quand je pourrai m’autoriser à écrire comme ça, sans ellipse. Je me demande si je pourrai un jour gommer les métaphores.

En lisant le dernier paragraphe du livre, deux larmes se forment dans mes yeux.
Je les essuie et j’empêche les autres de suivre.
Je pense à la mort. Je pense à la petite douleur dans mon cou.
Je pense à mon grand-père qui, coincé par les barrières dans son lit d’hôpital, m’a lancé : ce n’est pas la peine de venir me voir si tu ne peux pas me sortir de là.
Je pense à celui que je n’ai pas vu mourir mais dont j’imagine le sourire gêné derrière son masque à oxygène, son sourire généreux et bienveillant, heureux de voir autour de son lit ceux venus l’accompagner. Coincé, apeuré, mais ne l’exprimant pas pour ne pas déranger.
Je pense à celle qui ne pouvait plus me sourire et dont je ne connaissais pas ce regard de reproche et d’affolement devant l’impossibilité qu’elle avait soudain d’articuler. Elle avait pris la couleur des nuages dans les draps.
Je pense à celle qui a rendu si libres et gais les jours de mon enfance et qui s’est éteinte, amaigrie, dans une silencieuse tristesse, alors que j’étais loin un été. Je regrette de ne pas lui avoir demandé de me raconter la femme jeune qu’elle avait été.
Je pense à celle qui a été fauchée en pleine joie. Stop. Comme ça.
Je pense à celui qui a souffert si longtemps avec sourire et patience avant d’accueillir la grande dame, résigné. Je l’imagine chaque soir allongé sous la terre. 

Et puis je me souviens de ta chemise noire, de tes sanglots subits quand tu as voulu me dire, et de ma main qui s’est spontanément tendue pour essuyer tes larmes et attirer tes yeux à ma bouche. Il y avait la petite table carrée du bar entre nous et un journal posé dessus. Tu m’avais montré l’avis d’obsèques.
Et je t’ai dit, chuuut.... ne me raconte pas. Pas maintenant. 

*

Il est court ce texte, j'aimerais qu'il soit beaucoup plus long.
Mais c'est l'été. Je le poursuivrais cet hiver. 



09/07/2016

*Se réveiller*


























C'est sûrement parce que les jours se coulent dans la nuit et qu'à l'aube je guette déjà.
A l'aube je guette le petit bruit cristallin de la fontaine.
Le silence me réveille.
Je goutte à la paresse comme remède à l'inquiétude.

Nous sombrons ?
Oui. Mais regarde comme c'est beau...

*

Sur la petite route de campagne si familière, je repense à la 204 et à toutes les chansons que nous chantions à trois en avançant sous les arbres.
Dans mes souvenirs, tout est beaucoup plus grand. J'étais une petite fille dans une ferme immense.

*

Je ne résiste pas à la caresse du soleil sur la peau nue, ni aux volets clos dans la journée, ni à la douceur des soirs sur le bitume, ni aux verres au comptoir quand les autres rentrent se coucher, ni aux bouquets immenses, ni aux tissus légers, ni à la lecture des sombres histoires, ni à mes pensées vagabondes, ni au découragement, ni à l'ombre des tonnelles, ni à la lumière des bougies dans l'embrasure. C'est l'été.

*

Ce que je n'écris jamais c'est que je suis fière. Je suis fière de mes deux papillons.

*

Ça fait couler les larmes.

*

Il lui dit :
- J'espérais vous voir en robe légère.
Elle écarte son gilet d'un côté. La robe est à bretelles. L'épaule apparaît.
Ils se sourient.
Elle dit qu'elle ne reviendra pas. Elle se demande en disant cela si elle flanchera dans le quart d'heure suivant sur le trottoir. Elle se demande si elle se retournera. Elle se demande si elle sentira le poids de sa petite phrase peser soudain.
Dehors elle ne ressent rien d'autre que la douceur de l'air. Les pensées glissent. Elle photographie les fleurs emprisonnées derrière la vitre.

Cela pourrait être le début du roman de vos vacances.
Il faudra que je lui dise en serait le titre.



29/06/2016

*Reverdir*























Je regarde le spectacle du ciel.
Je n'ai pas fait la photo des volets mauves ni de la cabane dans le jardin ni des fanions décolorés dans les arbres désolés.
Pardon mais ici c'est la lumière qui m'enivre.

J'aime retrouver des petites phrases écrites n'importe où au crayon. Parfois je ne les comprends plus. J'aime bien. Elles me racontent autre chose.
Laisse-moi fermer les yeux. Ça va être magnifique.

Ma photo préférée à l'exposition de Josef Sudek avait la douceur d'une joue.
Une toute petite photo à regarder longtemps.
Quand j'entends la musique j'ai envie de danser. Là. Partout. Dedans. Dehors. Tu vois ?
Une petite photo une joue contre. Les souvenirs défilent.
Je m'éparpillerai sur le parquet et sur la pointe des pieds.
Ça va être magnifique. L'important, c'est la sensation évidemment.

Je n'ai pas fait la photo sur le banc délavé dans le jardin après.
Elle aurait été une belle photo.
Elle aurait été nue.
Avec les petites feuilles derrière. Vertes. Comme les chaussures.


22/06/2016

*Attendre*




La chaise est vide et seule à l'ombre des tilleuls. Leur parfum. Doux.
Le doux parfum des tilleuls dans ce premier jour de chaleur. Ciel blanc. Petites gouttes délicieuses.
La robe est noire. Toujours cette même robe noire. Les pieds nus les talons bobines.
Un anachronisme dans le club de tennis.
Je ne sais pas compter les points je ramasse les graviers à semer. Il serait temps de cesser de se perdre.
Et pour ne rien oublier, chaque jour faire des nœuds dans tes cheveux.

La chaise est vide et seule au milieu du parterre ombragé. C'est celle que je choisis pour attendre le soir. Et la pluie.


11/06/2016

*Déchoir*


























Le soleil était revenu la Seine s'était assagie mes bras étaient nus.
Dans l'ascenseur, mes yeux ont été attirés par le reflet de mon coude dans le miroir. Le bras ballant. J'ai remarqué les petits plis. Plus nombreux.
Mon coude a vieilli. Soupir.
J'ai passé mon doigt sur la douceur du plissé.

*

J'ai creusé moi-même le précipice, je me tiens en bordure de l'immensité.
La chute s'amorce
Douce
Lente
Inexorable
L'inexorable lenteur de la chute

Déchoir.
Je vous promets
Avec élégance
J'essaierai
Je vous promets d'essayer de déchoir avec élégance
Sans cri
Sans heurt
En silence

Je ne sais pas si on choisit vraiment.
Ne pas faire de choix, c'est choisir déjà, dit-il.

Je choisirai ma robe au moins
De celle qui souligne la décadence des corps la nuit
De celle dont la soie s'étale
De celle qui magnifie l'évidente tristesse
De celle qui souligne l'imperceptible ondulation
De celle qu'on montre du doigt

J'esquisse la chute.
J'aborde l'irrémédiable.
J'encaisse les éclats.
J'accepte.

La nuit
Souvent
Me relève.




02/06/2016

*Désinvolter*



Ça sent la faute ça sent la bêtise ça sent la vie, la désinvolture. Glissons ! Oui. Ça commence à bien faire. Je ne vois pas pourquoi on attendrait d'ailleurs, soyons un peu fous, personne ne le sera pour nous.

C'est la saison des coquelicots, on a les pieds dans l'eau. La Seine va engloutir Paris, je vais m'imaginer Venise.
Il s'agit d'enjamber le gris.
Ça commence par les roses blanches qui éclosent sous la pluie, les petites grappes de roses qui font se courber la tige. Gracile. Je résiste à la couper pour l'offrir. Chaque matin je la contemple à travers la vitre tandis que ma poilue me câline tandis que les joyeux s'agitent.

Enjamber le gris c'était hier encore un retour à vélo après une souriante affaire de chaises. Et au moment de la traversée du pont juste la bonne chanson, celle qui fait décoller celle qui étire le sourire celle qui caresse les meilleurs souvenirs. Un jour je ferai une liste.

Enjamber le gris c'est retrouver au fond de mon sac une miette de sablé aux framboises.

Enjamber le gris c'est ne pas oublier que les poubelles fleuriront encore certains soirs d'été et que la lune sera toujours là à nous regarder inventer nos histoires. Désinvoltes.

22/05/2016

*Vitriner*

























Il sentait bon, l'air du soir, avant l'orage. J'étais grimpée sur un tabouret, tout en haut, je cherchais la lune par-dessus le mur de la terrasse. Je cherchais la lune dans le ciel sombre, je cherchais la lune ronde, elle avait dû s'envelopper de nuages.
Un corbeau fou plus noir que l'obscurité croassait atrocement, il m'a frôlé la tête dans sa course aérienne. Un rescapé des Oiseaux, peut-être. J'avais envie de m'échapper, m'accrocher à ses pattes, onduler dans le ciel.
Arrête de rêver.
J'ai caressé des yeux les marguerites lumineuses, respiré le parfum des dernières giroflées, avant de m'enrouler dans un certain souvenir.
Je n'ai pas entendu éclater l'orage.

*

C'est la saison verte, la saison des marronniers en fleurs et des glycines aux lourdes grappes. C'est le moment de s'allonger dans les herbes hautes, les jours où la pluie se retient.

J'ai réalisé une nouvelle vitrine de saison, chez Mint and Lilies.
Vous pouvez la voir ici ou .
(Il y a aussi de jolies photos de la boutique et de la vitrine chez Ingrid...)

*

Et n'oubliez pas de venir nous voir à la Boutique passagère à partir de mardi, 15 heures.
Boutique passagère - 5, rue Médicis - Paris 6e. Du mardi 24 au dimanche 29 mai.
(Pour ma part, j'y serai présente de mardi à jeudi.)



13/05/2016

*Vélopenser*



J'ai pensé, je voudrais m'aventurer là où on ne m'attend pas.
Puis j'ai réfléchi à cette pensée. Et j'ai pensé un peu différemment. J'ai pensé, en réalité, je suis là où on ne m'attend pas, mais cela ferait désordre si on m'y trouvait.
D'ailleurs. Je ne veux plus qu'on m'attende.


J'ai pensé aussi en passant.
En passant j'ai pensé.
J'ai pensé en passant en vélo là.
J'ai pensé que je perdais l'intérêt de raconter, de dire, j'ai pensé que je m'enfonçais délicieusement dans le silence de mes songes et de toutes les histoires que j'y range que j'y dérange que j'y arrange et qui m'arrangent.
Et, alors que je passais là en vélo, j'ai pensé qu'un jour, sur ce pont, j'ai photographié Aragon sur le journal qu'un homme avait coincé sous son bras. C'était un jour où la désolation s'était écroulée sur le trottoir. Un jour d'un café préféré. Celui qui fait le coin sur l'île Saint-Louis. Le café où se jouent des scènes de films en noir et blanc.
Et puis j'ai pensé que, sur ce quai qui cerne l'île en arrondi, un autre jour, l'automne dorée me couvrait les pieds alors que j'étais assise sur le banc de pierre. Et la mousse entre les pavés luisait. Un chien. Et l'été précédent, dans l'autre arrondi, sur un autre banc, je portais ce dos-nu à losanges et une jupe un peu longue. La chaleur des rayons.
Et puis, pédalant encore, mes pensées ont pris un autre virage et ont formulé une réponse : bien sûr que nous allons le faire ce projet, cela fait presque un an que j'ai commencé.
J'ai pensé, c'est un projet silencieux. Un projet que personne n'attend. Un projet surprenant.

J'ai même fini par ajouter des virgules après avoir fait trois coupes franches. C'était presque douloureux.





10/05/2016

*Passer*























En attendant de retrouver je ne sais pas bien quoi, je passe par ici pour vous dire :

1 - Il y a une nouvelle carte dans le magasin.
2 - Les frais d'expédition sont offerts jusqu'à samedi soir (le 14 mai) avec le code MAMAN.

Et :

3 - Je serai du 24 au 26 mai à la Boutique Passagère à Paris, en bordure du jardin du Luxembourg, avec d'autres créatrices.
4 - Je serai du 27 au 29 mai au Marché des Créateurs de Noisy-le-Sec, où j'animerai même un petit atelier pour fabriquer et écrire un accordéon, à ma façon.

À très bientôt !


28/04/2016

*Bruxeller*





La grêle subite s'est présentée à moi comme une nuée de plumetis blanc dans le vent glacé. Comme une folle nuée devant le vert immense et silencieux des marronniers devant le rose des derniers pétales d'un cerisier, une folle nuée enveloppant les statues de pierre du jardin. J'ai couru sous la grêle qui picorait la terre de l'allée, qui picorait le gris des marches et des pavés, j'ai enjambé, j'ai traversé, suspendue à mon parapluie désarçonné.
Ce sera mon souvenir premier de Bruxelles. La folle grêle piquante et lumineuse sur le vert tendre du printemps.


20/04/2016

*S'échapper*



































En juillet dernier, j'ai écrit :
Je ressens soudain le désir de vivre cette scène que j'imagine. La provoquer. Comme si j'allais faire en sorte de la vivre, pour le plaisir, ensuite, de l'écrire, dans ses moindres détails, dans ses plus infimes sensations.

Il y a plusieurs semaines, j'ai écrit :
Pourquoi les histoires ne seraient-elles romanesques que dans les livres ou dans les films ?

Il y a quelques jours, j'ai lu :
"J'ai commencé à faire de moi-même un être littéraire, quelqu'un qui vit les choses comme si elles devaient être écrites un jour."*

Ce matin, j'entends :
"Aussi loin que je remonte dans mes souvenirs, la frontière entre le réel et l'imaginaire a toujours été désespérément brouillée."**

*
J'ai vécu la scène imaginée. Elle se répète dans mon esprit. L'écriture viendra.
Je sens que c'est latent.
L'écriture latente. Celle qui coule en flot incessant dans mes pensées. Celle qui s'évapore dans mes rêveries.

*
En attendant. S'échapper.


*Mémoire de fille - Annie Ernaux.
** Roman Polanski.


11/04/2016

*Pépier*























A quatre heures et demie ce matin
Ce n'était pas vraiment l'aube
Pourtant
J'entendais pépier gaiement les oiseaux

Je ne vois pas ce que je pourrais écrire d'aussi joli
Que tout ce qu'ils se disaient dans le silence de ma nuit



04/04/2016

*Baluchoner*



















J'ai commencé par le dessin. Une série du même bouquet. La répétition. Un dimanche.
La pluie et le vent ont couché le seul narcisse qui avait fleuri sur mon balcon. Je l'ai recueilli. La pluie et le vent ne m'ont pas atteint. Il y avait son parfum.
J'ai annoté au crayon de couleur des vieilles pages de dictionnaire.
Je sens que je ne sais pas atteindre.
J'ai imprimé quelques-unes de mes photos. Toutes petites.
Je fais toujours les choses toutes petites.
Il faudrait que je m'analyse.
J'ai écrit derrière une phrase se rapportant à la photo.
Les photos se mêlent à nos souvenirs et s'inventent des histoires. Vous inventerez celle de la photo en noir et blanc.
J'ai écrit le secret numéro 6. Les cinq premiers sont loin déjà. Celui-ci est peut-être différent. C'est un secret poétique.

Qu'est-ce que vous faites dans la vie ? J'écris des secrets, et je les couds dans des petits morceaux de tissu. Avec mes chagrins.
Tout ça, ce n'est rien, et j'en ai fait un petit baluchon.

Rien à voir avec cette liste de noms que j'ai écrit hier dans mon carnet en visitant une exposition.
C'est parce qu'elle m'a dit que je dessinais trop de fleurs.
(Sourire pour toi.)




25/03/2016

*Rosir*

Le matin je patiente en lisant ce livre sans issue face au miroir. Chez Elodie coiffure.
Je lis des mots plus tristes que la tristesse. J'en ressens une certaine nausée. Je lis la peur le dégoût la beauté de la terreur. Je reprends mon souffle en levant par moment les yeux sur moi et. Une autre forme d'accablement pèse sur mes épaules et sur mes joues. M'observer. M'observer sous les lumières blanches et ingrates du salon de coiffure. J'ai presque froid. L'inexorable.
Dégringolade.
Dégringolade.
Dégringolade.
Pouf.
Pouf.
Pouf.

*

Et si le remède à la mélancolie passait par l'envie de Cendrillon ?
Je suis sûre que vous commencez par maîtriser les recettes du papillon.
(Indice numéro un : vertes !)

*

Le soir j'oublie mes mitaines mon chignon ne tient pas j'ai sûrement trop de rouge à lèvres. Mais. Même les jambes lourdes je descends les cinq étages en volant déjà. J'envoie un message en sortant du tunnel et la musique me porte au-dessus des pavés dans les rues piétonnes. La nuit tombe. Je me relève.
Sur la scène Milo minaude tandis que Nicolas de sa voix basse me nargue. Je pense à tous ces mots que j'ai écrits déjà et que je pourrai superposer aux images. Bientôt.
La nuit j'aime, j'aime la nuit et sur le côté de l'Hôtel de Ville le magnolia pleure ses pétales. Le rose dans le gris c'est doux comme. Je vous laisse choisir votre métaphore.
Et. Arrive dans ma main : "Trop de rouge à lèvres dans le soir, cela me fait rêver."
Et. Arrive dans mon esprit : "Elle a une bouche comme une sublime blessure..."*
Et. Je pense à la "bouche sans pourquoi ni comment" et à tout ce que cela m'a inspiré.
Et. N'est-ce pas la plus belle des sensations que de sentir les rêves s'élever au-dessus de nos têtes ?

La lune se cache sous un édredon alors que je la cherche. C'est parce qu'hier, toute ronde, elle paradait au-dessus de nous dans sa nuisette de nuages transparente...


*(Jane B., quelque part, à propose de Fanny Ardant.)

18/03/2016

*S'entuliper*































J'avais repéré cette robe aux tulipes je voulais me glisser dedans.
Je suis donc allée me glisser dedans dans cette même cabine où il y a quelques années mon téléphone avait sonné. 
Il y a des instants si légers.
J'ai tourné dans la robe j'ai imaginé j'ai photographié. Et je l'ai enlevée. 
Je suis sortie et j'ai envoyé un message à chaque coin de rue.

Le long du cimetière Montparnasse il y a un garçon qui s'est construit une maison. Sans toit. 
Il a un parasol carmin qui se fond à merveille dans le rose des prunus en fleurs. Dessous, un fauteuil en cuir dont je ne me souviens plus la couleur. Noir peut-être. Je suis passée comme l'air.
Il a un chien sage qui attend près du fauteuil. 
Posée sur une table, une grande cage à oiseau délimite un côté de son espace. Un tout petit cheval se tient debout au fond. 
Un gobelet est suspendu au bout d'une canne pour les piécettes. 
Je n'ai pas tout vu. Je repasserai. 

Je n'avais pas rendez-vous pour un café au Typographe alors j'ai continué. C'est là que j'ai fait la photo des classeurs colorés. 
J'avais une chanson de Julien Clerc dans la tête et (pardon) mais ce n'est pas possible une chanson de Julien Clerc dans ma tête alors. 
J'ai mis la musique dans mes oreilles.
J'étais obligée de retenir mes jambes. J'étais obligée de retenir ma bouche. J'étais obligée de retenir mes bras. J'étais obligée de retenir ma tête. J'étais obligée de me contraindre. Encore. J'étais obligée de me contraindre à marcher dans le soleil sans danser. 
J'ai pensé. Je ne sais pas si j'ai encore quelque chose à gagner mais quand j'aurai quatre-vingts ans je n'aurai plus rien à perdre. Je danserai sur les trottoirs en chantant dans cette robe aux tulipes que je n'ai pas achetée. Je ne contiendrai plus ma folie je la laisserai enfin s'exprimer. 
Vous pourrez lancer des pièces des fleurs des coeurs ou des bonbons. Il n'y aura pas de toit à ma maison. Je déambulerai avec ma folie et ma ménagerie. 

Un jour, après m'avoir lue, quelqu'un m'a écrit :
"Je crois qu'il sera bien de vous imaginer en vieille dame un peu folle."
Il s'est excusé ensuite. Il craignait de m'avoir vexée.
Je n'étais pas vexée. Il avait tout compris. 

Je serai folle, évidemment. Comment tenir autrement ?

Je suis passée ensuite à l'endroit des petits cailloux bleus. Nous sommes seulement deux dans le monde entier à connaitre l'endroit des petits cailloux bleus. C'est parfois si joyeux, les secrets. 



08/03/2016

*Passer*


























Ce matin je ne me suis pas lavé les cheveux. Je n'avais pas de courrier. Je n'avais pas envie de parler j'ai soupiré. Je n'étais pas en avance. Je n'ai pas pu prendre mon café chez Claude. J'ai dit j'ai rien. J'ai raconté une longue histoire. Je n'ai pas terminé. Je voulais envoyer une pensée je n'ai pas trouvé une seule photo à faire en traversant le jardin du Luxembourg. Je n'ai pas pris de dessert je n'ai pas pris de vélo je n'ai pas pris de notes je n'ai pas pris de raccourci je n'ai pas pris le pain.
Je n'ai pas réussi à dessiner la rose.
J'ai mangé du cake au pavot.


01/03/2016

*Magasiner*






























Je vous invite à visiter le magasin et à fouiller...
Il y a quelques nouveautés.

26/02/2016

*Limber*





























Je sentais que la brume commençait à me cerner j'avais empilé du silence toute la journée j'ai ouvert la porte il pleuvait j'ai marché les mains dans les poches la nuit tombait.
A paris l'air n'est pas marin mais l'air s'arrange toujours pour faire un peu de bien.
Quand je suis arrivée au niveau du petit café aux bouquets la pluie avait cessé et.
Les bouquets dans la lumière étaient toujours là alignés j'ai pu la faire enfin cette photo qui planait au-dessus de mes pensées depuis que. Le chocolat chaud.
L'image sous mon bras une voix dans le soir les trottoirs luisaient je ne savais pas encore ce que deviendrait le reste de la nuit.
J'ai choisi les limbes du Pacific et l'énergie contagieuse de Denis Lavant. L'énergie de Denis Lavant toujours intacte dans mon souvenir. L'effet fulgurant de l'énergie de Denis Lavant.

Cette même semaine j'ai croisé par hasard Anna Karina sous son chapeau boulevard St Germain, Jane B. trois jours plus tard un peu plus loin j'aurais voulu la serrer dans mes bras, et Denis Lavant sans Bowie mais.
Ce serait trop long de vous expliquer.

On va danser ?
Il a dit oui, mon cavalier, prépare tes chaussures, je passe te chercher.

Sur les quais j'ai pédalé très vite j'ai cru voir une feuille morte voler au ras du sol, hésitante et légère, c'était un raton un peu roux qui s'enfuyait.




19/02/2016

*Danser*























Le soleil tape derrière les carreaux. J'aime bien écrire en pyjama.
J'entends un volet qui claque. Elle parle à la radio.
Je voudrais écrire âpre. Je vais commencer par l'ailleurs.
Je n'aime pas que tu m'éclaires. Laisse-moi être sombre.
Les lumières me caressent à toute vitesse. Je m'enfonce.
Au chapitre deux, on lirait : Mais tu mens, tu te mens ?
Au chapitre trois, on lirait : Non, je respire, je suis vivante.
J'ai posé le livre sur le zinc. C'est un édifice auquel je m'accroche par moment.
Les verres sont vides. Le garçon les remplit une deuxième fois.
Et après, on dansera.

*

A part ça, je vous prépare des nouvelles petites cartes. Bientôt...

12/02/2016

*Développer*


































Et puis, quand on lui demanderait, mais que faites-vous dans la vie ?
Elle répondrait, je développe un chagrin.

Elle développe un chagrin comme on développe une idée comme on développe une réponse. Elle développe un chagrin comme on développe une maladie comme on développe une névrose comme une rose éclot. Elle développe un chagrin comme on bâtit une maison comme on peint un tableau comme on écrit un poème. Elle développe un chagrin comme on regarde le ciel comme la voile se déploie comme le bras s'allonge. Elle développe un chagrin comme un bébé grandit comme une souris grignote comme un souvenir vous ronge. Elle développe un chagrin comme l'horizon aspire comme les brindilles croustillent comme on se glisse dans un lit.
Elle chagrine à longueur de journée son petit chagrin. Elle le pense elle le choie elle le nourrit elle le cultive elle le cajole, son doux chagrin, elle le couve elle en prend soin. Elle développe un chagrin qui peu à peu emplit chaque parcelle de son corps de son esprit.

Elle répondrait en souriant, je développe un chagrin.

*

Il a dit, j'étais sûr que c'était vous.
J'ai répondu, j'ai beaucoup aimé jouer cette scène.

*

Mais sinon qu'est-ce vous faites dans la vie ?
Vous voyez bien, je développe un chagrin. Il est beau comme un songe.

*

J'ai beaucoup aimé jouer cette scène. Je m'amuse à vivre comme dans un film en noir et blanc. Ça m'allège.



07/02/2016

*Automatiser*






















Elle me dit, vous avez des automatismes.
Je pense, tiens, elle ose. Elle ose me dire ce que je ressens si souvent quand je lis les autres. Leurs automatismes. Leurs automatismes me sautent aux yeux et finissent par m'ennuyer. 
D'accord. Je vous entends. Je vais chercher les miens. Je vais les repérer et. 
Je préfère qu'elle me dise ça, plutôt que, c'est formidable ce que vous faites. Je ne l'aurais pas crue.
Elle me pousse au travail. Moi qui ne sais pas. Travailler.
Je préfère qu'elle me dise ça, je sens que sa voix est juste.
Elle me dit, vous avez des automatismes et immédiatement je pense, je dévie.
N'aurais-je pas aussi des automatismes dans les changements de mon humeur ? Dans mes réactions ? Dans la façon dont je plonge ? Et dans celle dont je me relève ? 
Bien sûr. Là, c'est à la gorge qu'ils me sautent, mes automatismes.
Quant à ceux des autres, certains me touchent, me rassurent, me poussent, certains me. Nouent. Je n'en peux plus de leurs automatismes. Je les. Rien. Je les rien. Ce serait trop violent. Ce serait inutile. 

Cette semaine, je veux retourner rue Sedaine et entrer dans ce petit bar à l'angle de la rue. Je suis passée deux fois devant, à dix jours d'intervalle, sans y entrer alors que l'envie d'y faire la même photo s'est répétée de la même façon. L'envie plane au-dessus de moi. Je dois y retourner.

Je demanderai. Un café allongé. Automatiquement. Le zing. Automatiquement. La banquette en Skaï peut-être. L'alignement des bouteilles. Automatiquement. Les fleurs. Automatiquement. Le regard porté au dehors. Automatiquement. Et au dedans. Automatiquement. J'observerai les gestes. Automatiquement. J'écrirai dans ma tête. Automatiquement. Je deviendrai un peu triste. Automatiquement. Je serai bien. Automatiquement. Et je laisserai se prolonger cet instant où je ne fais rien, où je ne fais rien d'autre qu'être là.


01/02/2016

*Entendre*


























Non,  je ne sors pas aujourd'hui, je réponds.
Je ne sors pas mais j'entends.
J'entends, tu me manques.
J'entends, la réalité que nous vivons ne peut pas nous suffire et nous avons besoin d'un ailleurs.*
J'entends, les mots m'ont sauvé du désespoir de la perte de l'absence du deuil. Ça, j'en suis sûre. Les mots sont un asile, un havre, un abri.*
J'entends, on fait toujours un livre sur soi. L'histoire inventée, c'est pas vrai. **
J'entends Emmanuelle Richard parler de son livre et je m'entends.
J'entends la machine qui essore.
J'entends cette chanson qui évoque.
J'entends des sirènes au loin et je ne peux plus entendre une sirène sans penser à la tuerie.
J'entends, nous ne sommes pas qu'un individu, nous sommes mouvants, nous sommes plusieurs.*
Je suis cigale et papillon et. Ça finira mal. Bon. J'écrirai une histoire.
J'entends, il y a des choses qui disparaissent, c'est le risque de la mémoire, c'est l'oubli. Ça fait partie de la beauté des souvenirs qui restent.***
Je vais oublier. J'ai déjà trop oublié. J'ai déjà tant oublié. Le beau comme le "mauvais".
C'est bien aussi. Peut-être. L'oubli.

Samedi, dans le métro, j'entends un violon qui pleure Le Lac des cygnes et j'ai envie de battre des ailes doucement en tournant sur mes demi-pointes. La mort du cygne. Putain de mélancolie.


* : Camille Laurens chez Augustin.
** : Marguerite Duras dans un documentaire, dans Les Nouvelles vagues.
*** : Emmanuelle Richard, dans Les Nouvelles vagues. 
Camille Laurens et Emmanuelle Richard, de belles lectures en perspective je crois...