25/01/2018

*Aspirer*































Vendredi comptoir. J'adore dire Chardonnay. Ça fait oiseau, je l'ai écrit déjà. J'aime la fraîcheur du vin. La buée sur le verre. Le grand miroir qui se reflète dans l'autre, créant une enfilade infinie où mes pensées s'enfoncent.
Et quand à minuit passé je débouche au bout de la rue du Pont Louis Philippe, je sens que quelqu'un me regarde. Un homme fume derrière les arbustes en pots du bar qui porte le nom du pont. Alors je le regarde rapidement en avançant. J'ai le manteau rose et la robe noire qui dépasse dessous.  Ça fait des petites vagues sur le bas des jambes. J'ai cédé aux baskets désormais. Elles m'ont eue. Je lui souris et il me crie, "Je suis sûr que vous avez vos chaussures dans votre sac, vous !"
Incroyable.
"Mais oui !", je lui lance.
La réalité, parfois. Il m'en faut si peu.
Je bifurque et j'entre dans le bar, direct au comptoir. D'adorables flûtes y sont posées. D'adorables flûtes anciennes avec des bulles dansantes.
Le vieux barman à la petite couette de cheveux blancs me demande : "Qu'est-ce que je vous sers ?"
Je pointe mon doigt vers une flûte.
"Ça", je réponds.
Je caresse entre mon pouce et mon index les pétales épais et pourpres de la rose qui fane sur le zinc dans un petit verre.
Sur un panneau suspendu à la porte, je lis "Ne pleurez plus".

Les lumières dansent sur la Seine qui ondule au ras du quai. Je traverse l'île j'ai froid j'ai envie de me glisser dans les plumes. Ses yeux sont embrumés, un voile couvre la lune.

J'ai l'âge de celles dont les enfants ne veulent plus de peluches dans leur chambre. Et me voilà à faire des tas d'ours au pied du lit un samedi. Où vais-je mettre ceux que je ne peux pas jeter ?  Où vais-je les cacher ? Comment envoyer quarante lapins par la fenêtre sans pleurer ?
Je renifle les douceurs je rhabille le canard je rebrousse les souvenirs, mon sein dans les petites bouches et nos regards emmêlés.
Je repousse un peu l'échéance, et je poste une lettre un dimanche.

"Lugubre", je reçois ce mot dans un message ce même dimanche à l'heure du thé. Je trouve ça beau, lugubre.
C'est exactement la sensation que j'ai de moi à ce moment-là.

J'aspire au vide soudain. Je voudrais voir à quoi je me retiens.



19/01/2018

*Croiser*




Le vent est fou ce mardi. Il balance les mouettes au-dessus du grand bassin rond. Vaguelettes. Scintillements.
Escalier de pierre. Le bas de ma robe se soulève et le soleil perce d'un coup les nuages. Les chaises vides s'allongent sur le sable de l'allée.
Les arbres sont nus encore. A l'image du parc. Un petit se distingue, il s'est couvert de fleurs blanches.
Cette traversée, une bouffée.
Un peu plus tard la pluie me surprend. Des confettis. Mon parapluie se retourne sous les bourrasques, tout le monde s'enfuit, je souris. J'entame le deuxième jardin par le côté, les rosiers sont dénudés. Une ou deux roses quand même, figées dans l'hiver, recroquevillées. On voit bien qu'elles n'ont pas tenté d'éclore. Er moi je ne vois qu'elles. Rares. Esseulées. Vermillonnantes dans la tempête. Plus loin un jardinier a les mains dans la terre. Je longe les parterres au repos. Je voudrais m'élancer.

Jeudi je passe de l'autre côté de la Seine agitée. Puis je bifurque.
Les flots s'écrivent dans le ciel, je choisis de marcher jusqu'au musée.
Lumineuse, il a dit. Mais il n'a pas expliqué.
L'hôtel de la Place des Vosges. A chaque fois je voudrais faire une photo du petit salon que j'aperçois. Mais une dame me regarde depuis l'intérieur. J'oublie. Et me voilà sous la coursive. Splendide. Un petit regard en arrière. Personne. J'esquisse un pas de danse discret. Cette chanson me transporte. Et je fais un crochet par le jardin clos et caché dans le coin. Un repaire pour moineaux. Surtout au printemps quand la vigne vierge se fait belle.
Je poursuis.
Plus loin dans une vitrine, deux statues s'enlacent. Une valse. Je tourne sur moi-même. C'est un miroir ? Ce bonheur du rien me rendrait presque oiseau. Sautillements. Tu les sens les baisers sur tes pommettes ? Rosissement. On dirait bien que tu as croisé un rouge-gorge en plein hiver.
Bref.
Quelques rues encore. Tourner à angle droit. Puis filer. C'est une autre chanson maintenant. Mes mains se dandinent.
Dans le musée je monte et je descends, je parcours je traverse je lis j'observe. C'est émouvant au début. Moins à la fin. Je n'aime pas entendre les autres visiteurs, trop nombreux aujourd'hui. Je salue la souris sous le rideau et je fais le chemin en sens inverse.
J'ai faim.
Elle dit encore, j'adore votre manteau en me tendant la gourmandise. Elle me le dit à chaque fois. Enfin c'est la deuxième.
Je fais des zigzags mon sourire s'étire j'écris n'importe quoi.
Au niveau du pont d'Austerlitz, une bagarre de mouettes dans le vent. Bonheur. Plus loin un bouquet de nuages roses dans la trouée au milieu des immeubles. Je remets la chanson. Combien de fois aujourd'hui ? Peu importe, c'est elle qui me danse.

Ce n'est qu'après que la fatigue me prend. D'un coup. Dans ses bras. Et avec, la légèreté qui s'en va.



03/01/2018

*Souhaiter*


Je regarderai encore le ciel…. Et les oiseaux.
Je danserai.
Encore.
J’écrirai.
Encore.
Je me suspendrai (à son cou et ailleurs), je pleurerai sûrement, je vieillirai aussi.
J’embrasserai des pommettes, je caresserai des joues, je raconterai l’histoire de la robe rouge et je me glisserai dedans. Je dessinerai des fleurs. Je dessinerai des émotions. J’écrirai mes émotions. Je trébucherai. Je tomberai. Je vivrai des instants romanesques. Je m’élancerai. Je tituberai. Mon rire éclaboussera. Je longerai des fleuves, j'enjamberai des ponts. Je chantonnerai.
J’irai contempler la mer, je boirai dans de jolis verres.
Je m’inventerai.
Je m’inventerai encore.
Je vous le souhaite aussi.